2015 Prix Vincent-Lemieux
Lauréat : Paul May (École des Hautes Études en Sciences Sociales (Paris), and UQAM (Montréal)
Individual rights and redefining secularism: the case of religious arbitration courts in Ontario
Photo: Paul May remercie le prix reçu au Dîner de la présidente de l’ACSP – 3 juin 2015 – Pavillon du Centre national des arts, Ottawa.
Extrait du rapport du jury : La thèse s’inscrit dans une démarche à la fois philosophique et sociologique. Dans le premier volet, après avoir fait un tour d’horizon des fondements historiques du processus de laïcisation / sécularisation en Occident (et au Canada), elle présente une analyse critique, approfondie et détaillée des philosophes dits de la reconnaissance (Taylor, Parekh et Kymlicka) en fonction de la manière dont ils articulent les droits individuels et ceux des groupes religieux dans leurs théories respectives du multiculturalisme. Dans le second volet, elle s’intéresse à la controverse survenue en Ontario autour de la mise en place de tribunaux d’arbitrage religieux. L’analyse repose sur une méticuleuse étude de la controverse sur l’Islam dans ce contexte et des débats identitaires qu’il a nourri, influencé par un courant d’islamophobie, l’essentialisation de la charia via une vision orientaliste de la religion musulmane, les critiques du multiculturalisme et l’appel aux principes de la laïcité comme marqueur identitaire face à l’Islam. Elle fait état de la mobilisation des acteurs sociaux, leur articulation entre les droits individuels et la délégation de droits aux groupes religieux. Les arguments avancés par ces acteurs sont fidèlement et finement analysés et confrontés à la littérature en science politique, anthropologie et sociologie. Il s’agit d’une thèse remarquablement riche, de par sa profondeur théorique et la puissance de son analyse empirique. L’enjeu de la laïcité est discuté à la lumière des différents courants de pensée au sein du libéralisme. Son analyse des débats ayant entouré le dépôt du rapport Boyd portant sur les tribunaux d’arbitrage religieux en Ontario montre que le véritable débat portant moins sur la question des droits individuels que sur la place de l’Islam au sein de la société canadienne, l’extrême fragmentation des positions exprimées par les musulmans et, plus particulièrement, la mobilisation des musulmanes elles-mêmes. Finalement, elle propose une éclairante réflexion portant sur la manière de concilier les principes de la laïcité à la nécessaire reconnaissance du pluralisme religieux.